BAMCO : utiliser des fibres de bambou pour décarboner l’aviation

Depuis 2018, le consortium BAMCO réunit 7 partenaires, entreprises (Expleo, Arkema, Cobratex, Mécano ID, Specific Polymers) et laboratoires de recherche (CIRIMAT, Compositadour), qui œuvrent au développement de matériaux composites biosourcés, notamment à base de fibres de bambou. Une piste intéressante pour réduire l’impact environnemental de l’aéronautique. Explications avec Edouard Sherwood, CEO de Cobratex, et Philippe Ponteins, responsable innovation chez Expleo.

Dans quel contexte le projet BAMCO a-t-il vu le jour ?

Philippe Ponteins : BAMCO est né d’une volonté de développer des matériaux composites 100 % biosourcés à base de fibres de bambou dans une dynamique d’innovation collective. Il y a 7 ans déjà, chez Expleo, nous nous étions penchés sur les problématiques liées aux matériaux utilisés dans le secteur de l’aviation. Nous avions anticipé que les composites fibres de verre/résine phénolique qui constituent les pièces d’aménagement cabine d’avions, avaient un enjeu de toxicité sur le long terme. Nous avons donc commencé à chercher des solutions alternatives. Pendant 3 ans, nous avons lancé une étude sur la fibre de bambou, afin de démontrer sa viabilité. Le but en créant ce consortium était de pouvoir profiter des compétences et des expertises de chaque membre, afin de pérenniser notre projet. Expleo, acteur mondial de l’ingénierie, de la technologie et du conseil, a fait la promotion du projet.

Pourquoi travailler les fibres de bambou ?

Edouard Sherwood : A plusieurs points de vue, il est encore plus avantageux que la fibre de verre, le lin ou le chanvre. D’abord, sa production a un impact environnemental moins élevé car elle émet moins de CO2. Il est aussi moins toxique, avec un gain moyen de 50 % sur tous les critères d’une Analyse de Cycle de Vie tel que la toxicité humaine. Comme c’est un végétal qui pousse sur plusieurs années, sa production n’est pas assujettie aux variations climatiques. Enfin, lorsqu’une pièce fabriquée à partir de bambou est en fin de vie, elle peut être réutilisée pour créer de l’énergie verte. Chez Cobratex, nous avons créé notre propre procédé breveté pour réaliser un renfort unique, qui tire le meilleur de ce matériau, aux propriétés mécaniques intéressantes : une densité très faible donc un poids très léger, un bon amortissement, une bonne réaction à la reprise d’eau, et une bonne isolation thermique et acoustique. Ce produit est déjà utilisé dans de nombreux domaines : sport, bagagerie, décoration, automobile, prothèses, ou encore dans le domaine maritime.

En quoi les matériaux fabriqués à base de bambou constituent-ils une innovation importante dans le domaine de l’aviation ?

Edouard Sherwood : L’aéronautique doit aujourd’hui relever l’important défi de la décarbonation. Pour atteindre cet objectif, ce marché a besoin de solutions alternatives quant aux matériaux utilisés et à leurs procédés de production. Nos renforts de bambou ont l’avantage d’être compatibles avec les résines conventionnelles, utilisées couramment. Et comme elles possèdent une très faible densité, elles sont un atout considérable pour alléger le poids des pièces des avions. Au sein du consortium BAMCO, nous avons par exemple développé une porte à bagages deux fois plus légère que les portes classiques. Et nous sommes très fiers d’avoir été labellisés par l’Aerospace Valley et Solar Impulse.

Peut-on imaginer une généralisation de l’utilisation des fibres de bambou dans le secteur ?

Philippe Ponteins : Nous étudions la possibilité de placer les matériaux BAMCO dans l’aménagement intérieur des avions. Appliquée à l’aviation légère comme à l’aviation commerciale, cette innovation peut être intéressante. Les bio-composites de bambou pourraient être ainsi utilisés dans l’aménagement des cabines et entrer dans la composition des panneaux de revêtements et d’habillage du fuselage, ou encore dans celle des galets de service. Notre prochaine étape : tester les innovations à grande échelle, élargir notre gamme de produits, et améliorer notre capacité de production. Nous avons gagné en crédibilité, maintenant, place à l’industrialisation.